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dimanche 12 février 2012

arbres, vérité, druides et dead parrots




"Vérité" provient du latin vēritatem, accusatif de vērĭtas, "vérité", dérivé de verus: "vrai". 

Verus, quant à lui, provient - fallait-il le préciser ? - d'une racine proto-indo-européenne, en l'occurrence


*u̯erǝ- ("ami, digne de foi, vrai"), 

qui donnera également le vieil anglais wær ("vérité, serment, pacte"), l’allemand wahr ou le néerlandais waar ("vrai"), le slavon вѣра, věra ("foi") et même, en latin, l'antonyme se-verus ("inamical, sévère").


Mais nous devons également à *u̯erǝ- l'anglais... very ! ("trés")

Very est d'ailleurs encore utilisé dans son premier sens de vrai, authentique, réel, précis dans certains cas. 
Pensons notamment à la réplique de John Cleese s'adressant à son comparse Michael Palin, au début du sketch, devenu culte, du "Dead Parrot" (le perroquet mort) d'un épisode du Monty Python's Flying Circus:

"I wish to complain about this parrot what I purchased not half an hour ago from this very boutique"

("Je souhaite me plaindre à propos de ce perroquet que j'ai acheté il n'y a pas une demi-heure précisément dans cette boutique".)

John Cleese et Michael Palin dans
"The Dead Parrot sketch"

En anglais, cependant, "vérité" se dit "truth". Décliné de "vrai" : true.

Le mot true provient d'une tout autre racine proto-indo-européenne :

*deru- (ou *dreu-) : être ferme, solide, "bien posé sur sa base".


Par extension, *deru- en est venu à désigner l'arbre, le bois, et a été repris dans bon nombre de dérivés se référant à des objets faits de bois.

Il apparaît donc que ce n'est pas à partir de la notion de l'arbre, solide et ferme, que le concept de soliditévérité a été créé, mais que c'est l'inverse qui s'est plutôt passé. 
Ce qui finalement me semble assez logique: on passe du concept au concret, et non l'inverse...

Et donc, *deru- a donné l'anglais true, mais aussi tree (l'arbre) par le germanique *trewam, et aussi trust: la confiance!

Par le latin drus (dur), *deru- a également donné les français "dur" et "endurer".

Et nous lui devons aussi le mot... druide !

"Dru-ide", composé de *deru- et de *weid-*deru- pouvant s'entendre comme fortement, très, et *weid- signifiant voir, ou savoir.

Les druides, c'étaient les très voyants, ou les très savants !


C'est à partir de *weid- que se déclinent le sanskrit veda (savoir, connaissance), mais aussi l'anglais wise (le sage), l'allemand wissen (savoir), le latin vidēre (voir), ou le français guise (par le francique wisa, évoquant la façon, la manière).

La notion, de "façon", "manière", on la retrouve dans le dérivé anglais -wise: "clockwise", c'est "à la façon d'une montre", donc "dans le sens des aiguilles d'une montre".


Il est amusant de réaliser à quel point voir et savoir sont proches, et pas qu'en français: en anglais, witness, dérivé de la même racine *weid-, c'est le témoin, celui qui sait parce qu'il a vu...

Pssss ! 
Un dimanche indo-européen est entièrement consacré à *weid- Une idylle avec une idole?? Mais quelle drôle d'idée...


OUI, je sais ce que vous allez me dire :

- "Mais "arbre", le français arbre, il vient de quoi alors ??"

Eh bien, il provient AUSSI, par le latin arbor, d'une racine proto-indo-européenne *arb- ou *urb-, apparentée à  *er(ə)d- : "grand", "haut", "qui pousse": en ce sens, l'arbre était donc une "haute plante".

C'est de *er(ə)d- que provient le tchèque růst ("pousser", "croissance"), mais aussi le gaulois Arduenna, que nous utilisons toujours pour désigner cette étendue boisée au sud de la Gaule belgique: l'Ardenne ! (ou les Ardennes, pour nos amis Français)




Frédéric

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